A l’issue de l’audience du TGI de Chalon de ce mardi après-midi, Claude Martin, délégué CGT de la centrale, a pris la parole pour rappeler la plaidoirie qu’il avait déjà lue un peu auparavant devant le tribunal, cette fois devant les manifestants montcelliens qui avaient accompagné les « Lucy ».
Texte que voici :
« Chers collègues, chers élus, chers camardes, Nous nous retrouvons une nouvelle fois devant ce tribunal pour exiger que la justice se prononce sur ce que la CGT estime être une « trahison patronale ». La CGT dénonce le projet de réorganisation d’Eon, dans lequel la logique du marché de l’énergie s’oppose à l’intérêt général et au maintien de l’emploi. Aujourd’hui, mardi 21 mai deux jugements ont lieu :
- Un à Chalon pour « dire » et « juger » qu’Eon n’a pas respecté ses engagements écrits en 2010 ;
- Et un à Paris pour « dire » et « juger » que le PSE d’Eon n’est pas valable tel quel aux IEG.
Ces jugements ont une histoire et auront des conséquences. Chacun se doit de les mesurer… et alors chacun pourra se remémorer en temps et en heure les diverses interventions des structures de la CGT de Saône et Loire. Pour mémoire, et concernant Lucy, en 2005 un plan industriel validé par les pouvoirs publics prévoyait le remplacement de la tranche charbon par une tranche gaz moderne et puissante. Certes ce projet était plus industriel que social mais proposait une alternative à la fermeture de l’unique installation de production électrique de Bourgogne.
Suite à cette annonce, la CGT avait donc accepté de passer la tranche actuelle du site en mode dérogatoire dit « GIC » qui la condamnait à arrêter son exploitation au plus tard le 31 décembre 2015 mais assurait ainsi un avenir industriel au site de Lucy dans l’énergie.
En 2010 le groupe Eon, fraichement arrivé, suspend le projet gaz et envisage les fermetures plus rapidement que prévu des groupes charbon, dont Lucy. Pour la CGT c’est une trahison car aucun retour en arrière n’est alors possible vis-à-vis de la directive GIC. Le site de Lucy est en danger.
En février de la même année, et suite à des conflits sociaux majeurs, des accords sont signés par la direction de la SNET actant de nouveau l’exploitation des tranches charbon jusqu’au 31 décembre 2015. Ce sont ces fameux « Protocoles de fin de conflit ».
En septembre 2011 le CCE est saisi d’un projet de réorganisation prévoyant la fermeture des 5 tranches charbon et de 535 suppressions d’emplois. Lucy doit fermer début 2013. La lutte recommence, nous exigeons et gagnons des expertises techniques et financières sur l’ensemble du projet.
En Septembre 2012 suite à une grève nationale 6 mois avant, et suite à l’envahissement du siège Parisien par des centaines des salariés de la SNET, une discussion assez « virile » a eu lieu entre le PDG et son personnel, puis Eon accepte de revoir son projet de fermeture des sites.
Un nouveau projet voit le jour et comporte la fermeture de 5 tranches charbon, un projet biomasse dans le Sud et « plus que » 215 suppression de postes. Lucy a gagné un an jusqu’en mars 2014, mais le site est toujours condamné par Eon qui refuse tout nouveau projet «dont le projet CGT sur la biomasse».
En janvier 2013, accompagnée de la CFE-CGC, la Direction passe en force pour valider son projet industriel dit « de réorganisation » et son « PSE ».
La CGT et FO attaquent devant les tribunaux et exigent un avenir industriel à tous les sites.
Les expertises techniques, économiques et réglementaires démontreront que le groupe Eon a une politique actuelle intensive de cessions d’activité, fermetures de sites, désendettement, suppressions d’emplois, réductions des coûts… dont le but n’est pas de sortir le groupe de difficultés financières, mais de le placer dans le peloton de tête en terme d’attractivité pour les actionnaires. Dans le système actuel, les producteurs d’électricité n’ont pas de responsabilité légale en matière de sécurité des systèmes électriques.
Eon ne fait pas exception. Il annonce publiquement le gel de ses investissements thermique à flamme en Allemagne, en France, en Belgique jusqu’en 2020 au moins, alors que les pouvoirs publics alertent sur la nécessité de nouveaux moyens. Force est de constater qu’une telle stratégie, si elle devait se généraliser, conduirait dans un premier temps à des pénuries de puissance, dans un second temps à la mise en place d’un marché plus favorable aux opérateurs et enfin à faire payer très cher chaque kilowatt heure produit.
La production d’électricité nationale de pointe fournie par toutes les tranches du thermique classique est indispensable et a été fortement sollicitée ces dernières années pour assurer l’équilibre du système électrique. L’équilibre offre-demande d’électricité est en effet de plus en plus délicat au moment des pointes de consommation hivernales. Pour ne pas se trouver en situation de pénurie, la France doit acheter de l’électricité sur le marché, à ses voisins allemands notamment. Mais la situation en Allemagne, déjà tendue compte tenu de l’arrêt de certaines centrales nucléaires, va devenir critique si la stratégie du groupe Eon se généralise. Selon RTE, le déficit de puissance en France dépassera ce qu’on pourra raisonnablement espérer des importations dès 2015. Toujours selon RTE, une vague de froid semblable à celle de février 2012 pourrait conduire dès 2016 à une défaillance coûtant au pays plus de 3 milliards d’euros. Les producteurs d’électricité seront alors en position de force pour fixer eux même le prix du kWh.
Les tranches de la SNET sont utiles au maintien du réseau, le site de Lucy est unique en Bourgogne et indispensable à cette région si elle ne souhaite pas être la région de France la plus pauvre en moyen de production électrique. Qu’en pensent nos élus et notre Ministre du Redressement Productif pourtant maintes fois interpellés sur ce dossier ? Que dire de Madame la Ministre de l’écologie, du Développement Durable et de l’Energie qui ne semble pas du tout prendre la mesure du rôle des outils thermique dans la sécurité du réseau. Quelles conséquences pour l’industrie Bourguignonne si on ajoute à la fermeture du site de Lucy, la loi NOMÉ et la régionalisation de la production électrique suggérée par le débat sur la transition énergétique ?
La CGT ne prendra pas le risque de la casse industrielle et exige que la Bourgogne dispose à minima d’une unité de production centralisée. Le site de Lucy a cette vocation depuis presque un siècle. Montceau a toujours bénéficié d’une grande acceptabilité citoyenne vis-à-vis de l’industrie.
La SNET considère que ses tranches sont mal adaptées au marché actuel. Mais la réalisation d’un moyen moderne, même rentable, est refusée pour des raisons de stratégie de groupe. Le projet de réorganisation de la SNET ignore les besoins actuels et futurs du pays, des entreprises et des citoyens.
D’après la Direction Lucy subirait des pertes financières importantes sur la période 2012-2015. Elles restent pourtant largement inférieures à la contribution du site à la trésorerie d’Eon depuis sa prise de contrôle en 2009. Lucy a contribué à l’obtention de dizaines de millions d’Euros engrangés par la revente de quotas de CO2 attribués gratuitement par l’état puis re nté sous forme de cash au groupe Eon. L’argent ponctionné en France sera réinvesti en Inde, au Brésil ou en Russie mais malheureusement pas en Saône et Loire. La France vient de lancer le débat national sur la transition énergétique.
Il existe un créneau pour développer une utilisation raisonnable de la biomasse. La direction a démontré avec Provence 4 que si elle se donne les moyens un projet peut voir le jour. La CGT de Lucy reste persuadée qu’un tel projet utilisé en pointe sans surexploitation de la ressource bois, ni mise en compétition des usages habituels (papeterie, scierie) est possible, et que l’état se doit d’intervenir pour nous aider sur ce dossier.
Derrière ce projet c’est toute une filière qui peut s’organiser et réellement voir le jour. Plutôt que de perdre 65 emplois directs, et quelques 100 emplois indirects, nous verrions la création de quelques 300 emplois, toutes filières confondues.
Le développement boulimique et subventionné de l’éolien, et du photovoltaïque va exiger, par leur intermittence, de nouveau moyens thermique. Lucy a sa place pour aider dans cette transition énergétique. J’en terminerai là et vous remercie à nouveau de votre soutien, de celui de la mairie de Montceau, de la CUCM et de toute la CGT. Quelque soit le jugement qui sortira de ce palais de justice, la CGT de Lucy continuera la bataille en expliquant
sa vision du secteur de l’énergie, en interpellant chaque élu, chaque citoyen sur le risque programmé mais non calculé de l’arrêt en France du thermique à flamme.
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