Bernard Thibault
était l’invité d’honneur
Pour les 120 ans de la CGT et pour le 1er mai célébré au parc de la Verrerie du Creusot, Bernard Thibault était l’invité d’honneur de l’événement.
Bernard Thibault, Secrétaire général de la Confédération Générale du Travail de 1999 à 2013 était venu marquer les 120 ans de la CGT sur le territoire du Creusot et évoquer les premières luttes ouvrières sur le territoire en compagnie d’anciens.
De l’avis de tous et malgré une pluie battante dès le matin, les personnes présentes ont apprécié la disponibilité et la gentillesse de l’invité d’honneur.
Après être allé découvrir la locomotive 241P17, à défaut de jouer à la pétanque, Bernard Thibault a été accueilli en fin de matinée par plusieurs élus du Creusot et de la communauté urbaine : André Billardon, Bernard Durand et Laurence Borsoi (élus départementaux), Philippe Baumel et Bernard Paulin notamment.
Pendant l’apéritif, un militant CGT lançait « La CGT a conquis le parc ». Il faisait référence à l’interdiction d’entrer dans le parc, sous la période des Schneider, le parc ayant un usage privatif exclusivement alors. Quel symbole donc pour la CGT !
C’est aussi toute une organisation de la CGT qui a accueilli l’ancien Secrétaire général : Magali Nectoux, responsable de l’union locale, Christophe Bride responsable départemental et Daniel Fudala, responsable confédéral.
« C’est avec plaisir que je reviens au Creusot »
Bernard Thibault a ainsi exprimé sa joie et sa satisfaction de partager cette journée au Creusot. Il avait déjà eu l’occasion de venir lors de l’ouverture du nouveau bureau CGT du Creusot.
Le déjeuner a été partagé par 130 personnes sous un chapiteau rempli ! Il a même fallu ajouter des chaises et des tables pour faire tenir tout le monde.
Malgré la journée pluvieuse, ce sont tout de même entre 200 et 250 personnes qui se sont déplacées, notamment pour le moment d’échanges avec Bernard Thibault, dans l’après-midi.
« Le 1er mai n’appartient qu’aux travailleurs »
C’est ainsi que la responsable de l’union locale, Magali Nectoux a introduit ses propos. Elle a rappelé qu’il s’agissait d’une journée de solidarité internationale des travailleurs.
« Partout sur le continent, des travailleurs iront faire des manifestations pour le progrès des politiques sociales. Partout en France, plusieurs organisations appelaient à défendre l’emploi, les minima sociaux, à promouvoir l’égalité des salaires hommes-femmes. »
Et d’ajouter : « Nous sommes en train de vivre un grand changement de société ».
Magali Nectoux a ajouté que dans le combat contre le monde des finances et du patronat, les salariés ont à reprendre confiance en eux, en leur pouvoir de masse, pour améliorer les conditions de vie.
« Nous ne pouvons confier aveuglement notre avenir aux requins financiers sans réagir » a-t-elle exprimé.
Sur la loi Macron, elle a dénoncé un véritable projet de société allant à l’encontre des salariés. Elle a pointé du doigt les réductions des dépenses publiques de 50 milliards d’euros, touchant essentiellement la santé et conduisant à une dégradation des services publics.
Pour elle, la loi sur le renseignement servira à bien maîtriser les syndicats et les organisations qui pourraient amener de véritables changements de société.
Pourtant, a-t-elle ajouté « le 9 avril dernier, les travailleurs ont montré leur capacité à se mobiliser : 130 000 manifestants à Paris et 300 000 en France ».
« La CGT revendique le développement humain durable, pour que l’humain passe avant les intérêts financiers ».
La responsable de l’union locale a ainsi introduit des observations sur les situations locales : Areva Forge et ses pertes financières de 4,8 milliards d’euros ; des conditions de travail se détériorant à l’Hôtel Dieu du Creusot ; des luttes chez Alstom ; la pression quotidienne des employés en grande distribution.
Elle a conclu son intervention en remerciant « les camarades de la commission qui ont œuvré pendant un an pour l’organisation depuis un an ».
Focus sur le 1er mai
C’est ensuite Bernard Thibault, actuellement représentant des travailleurs du monde, qui a pris la parole pour proposer un panorama des principaux 1er mai qui ont marqué l’histoire.
Il a ainsi rappelé que l’objectif du 1er mai, son principe, est né en France, en 1889 à l’occasion du 2e congrès de l’Internationale Socialiste. Le Congrès avait réuni 377 délégués représentant les continents du monde. Ils avaient alors lancé un appel à une journée commune des travailleurs du monde pour promouvoir des journées de travail de 8h. C’est en 1890 que les journées du 1er mai ont commencé à s’organiser.
La CGT, elle, est née en 1895. Le 1er mai va alors prendre une puissance de plus en plus forte.
En 1906, le 2e congrès de la CGT consolide sa structure. La puissance de la revendication des 8 heures prend de l’importance pour Bernard Thibault.
Parallèlement à cela, les cadences industrielles s’accentuent.
En 1919, la loi sur les 8 heures journalières est votée.
Le 1er mai 1936 est marqué par l’horizon du Front populaire, dans un contexte de menace de la deuxième guerre mondiale. La mobilisation est très forte, notamment à travers l’occupation d’usines.
Le 1er mai 1941 est rebaptisé par le Maréchal Pétain. « On cherche à en faire une fête du travail » raconte Bernard Thibault. Pour Pétain, le 1er mai était la fête de la communauté de travail, employés et employeurs. « Du point de vue de la CGT, ce n’est pas notre vision ».
C’est en 1947 que le 1er mai devient férié en France, mais pas partout dans le monde.
Par exemple aux Etats-Unis, le 1er mai n’est pas reconnu.
Le 1er mai 1967 constitue une date importante, dans la mesure où toute manifestation avait été interdite pendant 15 ans lors des 1er mai.
Le 1er mai 1968, quant à lui, donne déjà le ton des événements de mai 1968.
« Il a fallu attendre 1968, pour que le fait syndical soit reconnu dans les entreprises » a indiqué Bernard Thibault.
Plus proche de nous, l’ancien Secrétaire général retient la date du 1er mai 2002, dans l’entre deux tour des présidentielles, au cours desquels Jean-Marie Lepen s’était qualifié.
« Nous décidons d’adapter le message du 1er mai à la défense de la démocratie » a expliqué Bernard Thibault.
Syndicat vs politiques ?
Pour Bernard Thibault, l’accusation selon laquelle les syndicats feraient trop de politiques, « comme si nous ne pouvions pas apprécier la nature des politiques, des décisions prises par le pouvoir en place » est inappropriée.
Pour lui, il est important pour la CGT de garder la liberté de regard sur ce qui se décide politiquement.
« On n’est pas les seuls à agir sur la politique. Le patronat ne se gêne pas pour demander des rallonges budgétaires. Le syndicalisme défend des valeurs de solidarité, d’entraide » a-t-il conclu.
Témoignages d’anciens
La suite des échanges s’est poursuivie avec des anciens de la CGT.
Roger, ancien mineur de Montceau-les-Mines, aujourd’hui âgé de 80 ans, a pris plaisir à raconter que dès son plus jeune âge, il se rendait à chaque 1er mai, accompagné de son père.
Il a raconté son expérience des luttes ouvrières, notamment en 1948 : les procès des copains, l’emprisonnement des autres et le jugement de certains par les mêmes juges qui les avaient fait déporter quelques années plus tôt.
« On a fait reculer le gouvernement » a-t-il déclaré fièrement.
Et d’ajouter : « C’était une corporation solidaire. Les soupes populaires existaient partout pendant es grèves ».
Robert, lui-aussi ancien mineur, a raconté les grèves de Montceau-les-Mines.
Jean, le métallo du Creusot, est revenu sur les événements de 1984 au Creusot, les grèves, les blocages des lignes de fer, la fermeture de Creusot Loire et les licenciements.
« C’est terrible pour une ville. On n’avait plus le moral » s’est-il souvenu.
Bernard Thibault et l’Organisation Internationale du Travail
Après ces moments de partage, Bernard Thibault a expliqué son rôle actuel auprès de l’OIT, qui dépend de l’ONU.
L’OIT est née en 1919, selon la volonté des Etats, après la révolution de 1917, avec « l’idée de mettre de l’huile dans les rouages des entreprises et de l’organisation du travail pour éviter les problèmes comme en Russie » a-t-il expliqué.
Cette agence de l’ONU a pour mission d’élaborer des conventions et de veiller à ce que le droit soit bien respecté. Aujourd’hui il existe 200 conventions internationales. Lorsqu’un pays ratifie une convention, il doit la transposer dans son droit.
Parmi les thématiques qui passionnent Bernard Thibault, il a ainsi évoqué le travail des enfants, avec actuellement encore 163 millions d’enfants recensés au travail, malgré une convention existant sur cette question.
Et les Etats-Unis et la Chine, deux puissances mondiales, ont signé seulement deux des huit conventions fondamentales devant s’appliquer à l’ensemble des pays.
Bernard Thibault a aussi rappelé que certains pays ne possèdent aucun texte par rapport au droit de grève, qui est tout simplement interdit.
Contrat de travail, protection sociale ont également été évoqués pour montrer les écarts avec d’autres pays.
« 70% de la population mondiale n’a pas de système de protection sociale » a-t-il indiqué.
Dans la série de données chiffrées, Bernard Thibault a expliqué qu’il y a 6000 décès par jour du fait des accidents ou maladies liés au travail, dans le monde, soit 2 300 000 morts par an.
Revenant sur le fonctionnement de l’OIT, il a expliqué la composition tripartite :
- des représentants des employeurs détiennent un quart des voix,
- des représentants des employés détiennent un quart des voix également,
- des représentants des Etats détiennent la moitié des voix.
Christophe Bride a conclu les échanges se félicitant de la présence de jeunes, femmes et hommes, parmi les militants. Il souhaite développer davantage de moments de partages entre jeunes et anciens.
Enfin il a annoncé que les 120 ans de la CGT feraient l’objet d’autres festivités les 16-17-18 octobre à Montceau-les-Mines.
L’après-midi s’est poursuivie en musique. La course de poneys a été malheureusement annulée pour cause de météo.
Émilie Mondoloni